NEWS

Les énergies renouvelables : la cible privilégiée de la désinformation sur le climat

4.7/5 - (89 votes)

Les énergies renouvelables concentrent désormais l’essentiel des attaques informationnelles liées au climat. Selon les données disponibles, une étude conjointe de Data For Good, QuotaClimat et Science Feedback, publiée le 22 octobre, met en évidence un triplement des contenus trompeurs durant l’été, en pleine séquence parlementaire sur la PPE3. Rien que pour le mois de juin, près de 120 cas ont été recensés à la télévision et à la radio, sur un total de 529 cas identifiés depuis janvier. Une analyse approfondie révèle que 70% des occurrences de désinformation ont visé le secteur énergétique, avec un ciblage marqué des énergies renouvelables. Ces signaux s’inscrivent en contrepoint d’indicateurs structurels: en France, les renouvelables poursuivent leur essor, et au niveau mondial, leurs capacités atteignent des records, même si l’effort reste insuffisant pour tenir les objectifs 2030.

Le phénomène, documenté de longue date lors des sommets internationaux – à l’image des observations faites à la COP26 sur l’attaque des solutions bas-carbone –, s’étend aujourd’hui au débat public national. Comme le rappelle l’ONU Climat, la désinformation contrecarre l’action en sapant la confiance dans les solutions et la légitimité des messagers. En France, l’onde de choc a eu des effets très concrets, avec un moratoire voté puis retiré sur de nouveaux projets renouvelables. À la clé, des retards d’investissement, un risque réglementaire accru et une défiance locale qui s’exprime malgré une opinion publique majoritairement favorable aux projets, y compris chez les électeurs de droite et d’extrême droite, comme l’indique une enquête nationale sur l’acceptabilité. La question devient socio-économique: comment protéger l’investissement productif et la souveraineté énergétique face à des narratifs erronés qui, souvent, montent en puissance à l’approche de décisions clés ?

Désinformation sur le climat et énergies renouvelables: ampleur, narratifs et relais médiatiques

La photographie d’ensemble est nette: les attaques se concentrent sur les coûts, l’« intermittence » et les subventions. Les indicateurs économiques suggèrent que ces narratifs prospèrent dans les périodes d’incertitude tarifaire et d’arbitrage budgétaire, à l’image des débats sur la fiscalité des parcs solaires antérieurs à 2021, décrits dans une récente analyse de finances publiques budgétaire. Parallèlement, des plateformes d’observation montrent l’implantation durable de contenus trompeurs dans certains médias, avec une montée en régime durant les trois semaines précédant le vote de la PPE3. L’enjeu n’est pas anecdotique: selon l’étude citée, une affirmation fausse peut infléchir un choix parlementaire lorsqu’elle est reprise sans contradictoire.

  • Principaux narratifs: “les renouvelables font grimper les prix”, “elles sont inefficaces”, “les aides d’État sont gigantesques”.
  • Cadence médiatique: un cas recensé par heure d’antenne sur le climat sur certaines chaînes, un toutes les 40 minutes sur d’autres.
  • Temporalité: pics observés à l’approche des votes, avec 40% des cas en trois semaines.
  • Effet d’entraînement: propagation depuis les réseaux sociaux vers les plateaux, puis jusqu’aux textes d’exposé des motifs.

Les canaux de diffusion et d’influence sont désormais mieux documentés. Plusieurs travaux soulignent l’existence d’une stratégie visant à instiller le doute, y compris via des écosystèmes numériques et “blogs militants”, comme le montrent ces analyses sur la stratégie de désinformation, la pression sur les réseaux sociaux, ou encore l’implantation dans certains médias. La dynamique recoupe d’autres dossiers de régulation, du Nutri-Score aux arbitrages du Pacte vert européen, où le rôle des lobbys est également pointé.

Face à ces constats, une question s’impose: comment reconnecter la discussion publique avec des repères empiriques stables, tout en assurant le pluralisme des opinions ?

À ce stade, plusieurs ONG spécialisées, dont Science Feedback, renforcent le fact-checking thématique. Le défi reste d’en accroître la portée auprès des audiences fortement exposées, tout en garantissant la qualité du contradictoire sur les antennes les plus influentes.

Propulsion des fausses informations: qui diffuse quoi et pourquoi ?

L’écosystème de diffusion associe chaînes d’info, radios généralistes et réseaux sociaux, dans un continuum où s’entremêlent mésinformation (sans intention de nuire démontrée) et désinformation (stratégique). Les indicateurs économiques suggèrent que les controverses s’intensifient lors des arbitrages tarifaires ou fiscaux affectant les projets.

  • Relais récurrents: chaînes d’info en continu, émissions d’opinion, blogs d’“information alternative”. Voir, par exemple, cette lecture critique de la portée des blogs militants Les Moutons Enragés.
  • Vecteurs numériques: effets d’amplification algorithmique et de bulles de filtres, documentés dans cette analyse.
  • Thèmes porteurs: coût pour le contribuable, sécurité d’approvisionnement, paysages – souvent traités sans données consolidées.
  • Effets croisés: quand la communication d’entreprises reste ambiguë – par exemple, cap maintenu sur les fossiles – les narratifs anti-renouvelables gagnent en visibilité.

Le fil conducteur demeure le doute: un message simple, répété, visant des zones d’incertitude, suffit à ralentir une décision locale ou à durcir un texte national. C’est pourquoi la transparence des données devient un actif démocratique majeur.

Impacts économiques et politiques: du moratoire avorté à la défiance dans la filière

L’effet économique s’observe déjà. Selon le Syndicat des énergies renouvelables, seules 267 MW de nouvelles capacités éoliennes ont été raccordées au premier semestre, un plancher sur vingt ans. Les acteurs de la filière – EDF Renouvelables, ENGIE Green, TotalEnergies, Akuo Energy, Voltalia, Neoen, Valorem ou encore Quadran – constatent un allongement des délais de développement et une hausse du risque perçu, qui renchérissent le coût du capital. Les enjeux de raccordement, pilotés avec Enedis sur le réseau de distribution, s’en trouvent compliqués lorsque le débat local est saturé d’assertions erronées.

  • Risque réglementaire: un moratoire voté puis retiré signale une instabilité de cap.
  • Arbitrages budgétaires: la fiscalité des parcs solaires historiques nourrit la controverse.
  • Compétition intra-techno: des signaux politiques en faveur d’autres options (voir le débat nucléaire vs renouvelables) polarisent l’opinion.
  • Économie circulaire: les filières de fin de vie – où Suez Environnement intervient sur le recyclage – sont parfois caricaturées, alors qu’elles progressent rapidement.

Un cas d’école illustre la mécanique: l’attribution, sur certains réseaux, du black-out d’avril en péninsule Ibérique aux renouvelables “intermittentes”. L’enquête officielle pointe une défaillance d’infrastructures du transport, sans lien avec la part d’éolien ou de solaire. La rectification a été publiée, notamment par des médias spécialisés, rappelant que corrélation n’est pas causalité.

Éolien à l’arrêt: chaînes de valeur fragilisées et territoires en attente

Dans plusieurs régions, des sites prêts à construire sont en stand-by face à des recours, ou à l’incertitude sur les délais d’instruction. Pour un développeur régional, six mois supplémentaires de retard peuvent suffire à faire basculer un projet sous les nouveaux coûts de financement. Lorsque l’opinion locale est exposée à des messages erronés, les maires reportent les délibérations, même quand l’acceptabilité demeure élevée au plan national.

  • Conséquences directes: renchérissement des PPAs, report des commandes industrielles, sous-charges d’usines.
  • Effets indirects: ralentissement des réseaux (coordination avec Enedis), retards de co-bénéfices (recettes fiscales locales, bailleurs agricoles).
  • Solutions rapides: cellules locales d’information, “portes ouvertes” de parcs, tableaux de bord publics des raccordements.
  • Clarification technique: cas ibérique documenté ici : panne non liée aux ENR.

À l’échelle macro, la leçon est claire: une filière industrielle se construit sur la stabilité du cap réglementaire et la lisibilité des trajectoires, comme le rappelle la stratégie énergie-climat.

Réponses factuelles et leviers d’action: reconstruire la confiance autour des renouvelables

Le rétablissement d’un débat éclairé passe par une meilleure mise à disposition des données et une pédagogie économique sur les bénéfices locaux. D’abord, rappeler les fondamentaux: l’énergie demeure au cœur de la lutte contre le réchauffement et, malgré les polémiques, la population reste majoritairement favorable aux projets. Ensuite, mettre en perspective internationale: les capacités renouvelables mondiales progressent à un rythme inédit. Enfin, intégrer la compréhension des campagnes de désinformation et des pressions sectorielles, du greenwashing dénoncé par les régulateurs aux stratégies d’influence contraires aux objectifs climatiques.

  • Transparence: plateformes publiques de données locales (production, coûts, retombées fiscales) et synthèses pédagogiques.
  • Régulation: lignes directrices audiovisuelles sur la vérification des faits climatiques, et suivi indépendant.
  • Gouvernance: chartes d’engagement des entreprises (éviter le désengagement climatique) et cohérence d’investissement – débat ouvert lorsque des majors privilégient encore les fossiles.
  • Éducation aux médias: dispositifs anti-manipulation, y compris face à des controverses “fourre-tout” (ex. débats ZFE) qui servent parfois de caisse de résonance.
  • Repères: analyses de fond sur l’attaque ciblée des renouvelables et sur l’implantation de la désinformation.

La consolidation de ces leviers pourrait s’appuyer sur l’initiative parlementaire visant à garantir l’accès du public aux informations environnementales. Une telle loi, associée à un engagement renforcé des collectivités et des entreprises, réduirait l’asymétrie d’information qui alimente les rumeurs.

Étude de terrain: comment une commune neutralise l’intox et relance un projet

Dans une petite ville fictive, la maire a gelé un parc éolien après la diffusion locale de visuels alarmistes. En collaboration avec Enedis (données de raccordement) et un groupement d’acteurs – Neoen pour le montage, Valorem pour l’ingénierie, Akuo Energy pour le financement participatif, et ENGIE Green pour l’exploitation – la municipalité a publié un tableau de bord public des retombées fiscales et des emplois. Suez Environnement a, de son côté, clarifié la filière de recyclage.

  • Actions clés: réunions publiques, visites de parcs chez EDF Renouvelables et Quadran, publication d’un mémo “vrai/faux”.
  • Sources: rappel des faits établis sur la COP et la désinformation via ONU Climat et synthèse de Novethic.
  • Clarification d’un mythe: la “panne ibérique” vérifiée par ce décryptage indépendant.
  • Cadre: rappel de la planification nationale et des objectifs via la stratégie énergie-climat.

Résultat: le conseil municipal dégage une majorité en faveur du projet, en cohérence avec une opinion nationale plutôt favorable, tandis que les habitants disposent enfin d’informations sourcées. À l’échelle nationale, cette méthode rejoint les recommandations d’organismes publics et met en garde contre la tentation de faire de l’écologie une cible, comme l’illustre le débat récurrent autour de la loi Duplomb et, plus largement, les signaux politiques parfois ambigus.

Cécile Divolic

Cécile Divolic

Passionnée par les enjeux économiques contemporains, je m'efforce de déchiffrer les tendances et d'informer le grand public sur des sujets complexes. Mon expertise et mon expérience me permettent de traiter de manière claire et accessible des thèmes variés, allant de la finance aux politiques économiques.