ExxonMobil intente un procès à la Californie pour empêcher la divulgation des données climatiques
ExxonMobil a engagé une bataille judiciaire inédite contre la Californie pour suspendre deux lois de divulgation climatique qui doivent s’appliquer dès 2026. Au cœur du différend, l’obligation pour les grandes entreprises de publier l’intégralité de leurs données environnementales (émissions de scopes 1, 2 et 3) et de décrire leurs risques financiers liés au climat selon le cadre TCFD. Selon les données disponibles, la démarche s’inscrit dans une séquence de procès climatique de plus en plus structurants aux États-Unis, après des actions intentées par la Chambre de commerce américaine en 2024, déboutées en première instance comme en appel. Une analyse approfondie révèle que l’issue pourrait faire jurisprudence pour l’ensemble du secteur de l’énergie fossile, y compris Chevron, Shell, BP et TotalEnergies, dont les chaînes de valeur sont directement exposées à la transparence climatique.
La plainte, déposée devant un juge fédéral, invoque le Premier Amendement et soutient que l’État chercherait à contraindre la parole des entreprises en les alignant sur un « agenda idéologique ». Les indicateurs économiques suggèrent que la conformité demandée exigera des investissements significatifs en systèmes d’information, en assurance et en gouvernance des données. Dans le même temps, la Californie poursuit d’autres contentieux, notamment sur la pollution plastique, contre le même groupe, nourrissant un climat de défiance réciproque. Au-delà du droit, l’enjeu est opérationnel: comment outiller des groupes mondialisés et leurs fournisseurs pour collecter, auditer et publier des informations extra-financières à un niveau de granularité inédit? Plusieurs directions financières anticipent déjà des plans de remédiation, conscients que les marchés et les assureurs intègrent ces obligations dans l’évaluation des risques.
Sommaire
Procès climatique en Californie : les obligations de divulgation contestées par ExxonMobil
La contestation cible deux textes adoptés en 2023 par la Californie. Le premier impose aux entreprises réalisant plus d’1 milliard de dollars de chiffre d’affaires de publier leurs émissions sur les trois scopes; le second exige, dès 500 millions de dollars de chiffre d’affaires, un rapport détaillant les risques climatiques en s’alignant sur la TCFD. Selon les données disponibles, ces règles répondent à une demande accrue des investisseurs et des consommateurs pour une transparence climatique comparable aux standards européens (CSRD) et aux exigences naissantes d’autres États américains.
- Divulgation des émissions (scopes 1, 2, 3) : publication annuelle, méthodologies explicitées, audits progressifs.
- Risques et gouvernance : scénarios climatiques, impacts financiers, plans d’adaptation et de réduction.
- Périmètre élargi : inclusion des chaînes d’approvisionnement et des usages produits, point sensible pour l’énergie fossile.
Le précédent judiciaire est déjà nourri: la Chambre de commerce américaine avait attaqué ces lois en janvier 2024, sans succès. Pour une mise en perspective, voir l’analyse consacrée à cette action sur les obligations de divulgation contestées et le décryptage sectoriel publié par EnergyNews. La dynamique contentieuse s’inscrit en parallèle des poursuites de l’État sur la pollution plastique, documentées par France 24 et RFI.
- Pour un panorama des procédures liées, consulter cet état des lieux des contentieux climatiques et la couverture par Informat.ro.
- Le volet plastique a aussi été suivi par Les Échos, utile pour comprendre l’historique des griefs.
Que recouvrent concrètement les rapports exigés (scopes et TCFD) ?
Les scopes 1 et 2 concernent les émissions directes et l’énergie achetée; le scope 3 agrège les émissions amont-aval, incluant fournisseurs et usage par les clients. Le référentiel TCFD, lui, structure les informations sur la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques et les métriques/targets, y compris des tests de résistance. Ces éléments rapprochent la Californie des pratiques européennes, à l’image des travaux visant à alléger la charge CSRD décrits par l’EFRAG.
- Métriques clés : intensité carbone, investissements bas-carbone, alignement sur des scénarios 1,5-2°C.
- Chaîne d’approvisionnement : traçabilité, qualité des données, contrôles internes et audits.
- Risques physiques et de transition : exposition sectorielle, primes d’assurance, stress-tests.
Une directrice financière d’un équipementier fictif, « Pacific Components », illustre l’impact: pour consolider son scope 3 avec des centaines de fournisseurs, elle déploie des logiciels de traçabilité couplés à des politiques de sécurisation (sécurité logicielle PME) et d’optimisation des mises à jour (process IT). L’anticipation opérationnelle devient ici un avantage concurrentiel autant qu’un levier de conformité.
Liberté d’expression, gouvernance des données et portée pour l’énergie fossile
La plainte d’ExxonMobil invoque le Premier Amendement pour contester ce qu’elle assimile à une contrainte de discours. Cette ligne de défense interroge la frontière entre régulation économique et liberté d’expression lorsqu’un État impose une information standardisée. Les juridictions ont souvent admis les obligations d’information à finalité de marché ou de santé publique; la question est de savoir si les rapports climat s’y rattachent clairement.
- Argument constitutionnel : risque de « compelled speech » versus intérêt public et stabilité financière.
- Fonction des marchés : matérialité des risques climatiques pour créanciers, assureurs et épargnants.
- Interopérabilité : convergence TCFD, SEC, CSRD et règles d’États fédérés.
Une analyse approfondie révèle que les assureurs revoient leurs modèles face à l’augmentation des sinistres climatiques, comme le rappelle ce point sur les stratégies des assureurs. Dans ce contexte, la disponibilité d’données environnementales fiables devient un input prudentiel autant qu’un bien public d’information financière.
Effets possibles pour Chevron, Shell, BP et TotalEnergies
Les majors Chevron, Shell, BP et TotalEnergies suivent de près le contentieux: des obligations en Californie pourraient s’étendre par contagion réglementaire ou par exigences des investisseurs. Pour les groupes multi-juridictions, l’harmonisation autour de référentiels communs réduit les coûts de reporting et de litiges.
- Chaîne de valeur : consolidation des émissions des fournisseurs, logistique, et clients finaux.
- Risques juridiques : cohérence des messages entre marchés américain, européen et asiatique.
- Stratégie : articulation entre investissements bas-carbone et exposition à l’énergie fossile.
Dans le débat public, la Californie met aussi en avant l’historique des controverses, y compris sur le plastique, relaté par Quartz et Environnement Magazine. En toile de fond, l’Union européenne affine ses propres cadres, entre CSRD et débats sectoriels, comme l’illustre le suivi de la loi anti-déforestation ou les rendez-vous « Omnibus » pour la finance durable (prochaines étapes RSE).
Pour les directions conformité, la bascule vers la « donnée auditée » passe par des outils de gouvernance documentaire, du RPA de back-office (cas d’usage RPA) à la gestion de l’eau dans les trajectoires SBTn (SBTn et eau). L’arrière-plan géopolitique compte également: dépendances aux hydrocarbures et arbitrages politiques, exposés par les accords favorisant les énergies fossiles, et débats multilatéraux comme le traité mondial sur le plastique. Dernier point souvent sous-estimé, la conduite du changement numérique: l’alignement des SI, la formation et la qualité des données conditionnent la réussite de la transparence climatique.
- Outillage : politiques de sécurité et conformité IT (mises à jour cybersécurité), gestion documentaire et suivi des indicateurs.
- Normes et politique : convergence CSRD/TCFD/SEC, initiatives nationales et régionales.
- Marchés : tarification des risques, coût du capital, attractivité des entreprises « net zero ready ».
En filigrane, la contestation d’ExxonMobil interroge l’équilibre entre le droit de ne pas s’exprimer et l’intérêt collectif à disposer d’informations comparables, auditables et utiles à la stabilité économique; cet équilibre, s’il est clarifié par les tribunaux, pourrait tracer la feuille de route opérationnelle de toute la place financière américaine.