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Omnibus : Le Parlement européen pourrait diminuer l’impact de la CSRD et du devoir de vigilance

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Sous l’effet d’un compromis esquissé en commission des affaires juridiques, le Parlement européen s’oriente vers un recalibrage significatif des obligations issues du Green Deal, en particulier la CSRD et le devoir de vigilance (CS3D). Selon les données disponibles, les seuils d’applicabilité pourraient être relevés à 1 000 salariés et 450 M€ de chiffre d’affaires pour la CSRD, et à 5 000 salariés et 1,5 Md€ pour la CS3D, avec la suppression du plan de transition climatique obligatoire et du régime de responsabilité civile au niveau de l’Union. Une analyse approfondie révèle que ces ajustements pourraient exempter jusqu’à 90 % des entreprises initialement couvertes par la directive européenne sur le reporting extra-financier et près de 70 % pour le devoir de vigilance. Les indicateurs économiques suggèrent un allègement de charge administrative à court terme, mais un risque accru d’asymétrie d’information pour les investisseurs et d’atteinte à la crédibilité de la régulation ESG. Après la procédure d’urgence adoptée le 1er avril, la séquence institutionnelle s’accélère: finalisation en commission JURI puis vote en séance plénière avant un trilogue déterminant. Dans ce contexte, la durabilité reste un enjeu de gouvernance d’entreprise et de compétitivité, alors que les entreprises cherchent un cadre stable et prévisible. Reste une question: jusqu’où la simplification peut-elle aller sans basculer dans la dérégulation?

Omnibus et CSRD: ce que change la nouvelle ligne politique au Parlement européen

Le paquet Omnibus présenté en février visait à simplifier la directive européenne CSRD et la CS3D, ainsi que des pans de la taxonomie. Après le Conseil en juin, la commission JURI a retenu une approche plus expansive de la simplification, proche d’un allègement structurel. Selon les documents de travail, plusieurs mesures dépassent la proposition initiale de la Commission. Pour un panorama synthétique, des analyses convergentes détaillent cette évolution, notamment chez Novethic, ANSA et Management-RSE. Ce déplacement du curseur rebat les cartes pour toute entreprise responsable soumise au reporting extra-financier.

  • Relèvement des seuils CSRD: 1 000 salariés et 450 M€ de CA, réduisant fortement le périmètre.
  • Relèvement des seuils CS3D: 5 000 salariés et 1,5 Md€ de CA, avec focus moindre sur la chaîne de valeur étendue.
  • Suppression du plan de transition climatique pour les grandes entreprises sous CSRD.
  • Suppression du régime de responsabilité civile harmonisé au niveau européen dans la CS3D.
  • Procédure d’urgence adoptée le 1er avril, accélérant l’examen (voir DAF Mag et Déplacements Pros).

Seuils relevés et périmètre réduit: quelles entreprises encore concernées?

Selon les données disponibles, relever les seuils à 1 000 salariés/450 M€ (CSRD) et 5 000 salariés/1,5 Md€ (CS3D) retrancherait une large part du mid-market européen. Une analyse approfondie révèle que des groupes multisites proches de 1 Md€ de chiffre d’affaires pourraient rester couverts par la CSRD, quand des ETI exportatrices, pourtant exposées à des risques de chaîne d’approvisionnement, sortiraient du champ d’application. Les repères fournis par Exagone Group et Soulier Avocats confirment ce basculement.

  • Euratech Components (1 200 salariés; 600 M€): resterait sous CSRD; hors CS3D si < 5 000 salariés.
  • Maison Perrault (900 salariés; 300 M€): sortirait de la CSRD malgré une forte exposition fournisseurs.
  • Baltic Retail Group (4 800 salariés; 1,2 Md€): échapperait à la CS3D; vigilance dépendrait de démarches volontaires.

Les indicateurs économiques suggèrent une baisse des coûts de conformité, mais potentiellement une hausse du coût du capital pour les acteurs devenant invisibles sur les risques ESG. Dans ce contexte, des voix rappellent l’importance d’un socle minimal commun, à l’image de tribunes en faveur d’un maintien d’ambition, telles que le soutien public de plus de 150 entreprises à la CSRD et au devoir de vigilance.

Devoir de vigilance et régulation ESG: impacts sur la gouvernance d’entreprise

Le retrait du régime de responsabilité civile européen fragilise l’effectivité du devoir de vigilance. La capacité des victimes à obtenir réparation se reposerait davantage sur des droits nationaux disparates, au risque d’une fragmentation juridique. Des réactions politiques et académiques ont émergé: l’eurodéputée Marie Toussaint a dénoncé un « virage assumé vers la dérégulation » et, pour le professeur Andreas Rasche (Copenhagen Business School), ce tournant reflète « un opportunisme politique à court terme au détriment de la responsabilité à long terme ». Ces positions sont documentées par des suivis spécialisés comme Novethic et des synthèses de négociation telles que ce décryptage des points-clés.

  • Risque de fragmentation: divergences nationales accrues sur les voies de recours et exigences de vigilance.
  • Asymétrie d’information: réduction de la comparabilité pour les investisseurs et assureurs.
  • Greenwashing: sans plan de transition obligatoire, vérifiabilité moindre des trajectoires climatiques.
  • Coût du capital: primes de risque ESG potentielles pour les émetteurs moins transparents.

Ce débat s’inscrit dans un climat politique où d’autres reculs environnementaux ont été discutés, comme le dossier des néonicotinoïdes ou des normes sectorielles: voir par exemple la loi sur la simplification, le retour controversé des néonicotinoïdes et l’assouplissement des normes CO2 pour l’automobile. Ces signaux forment un arrière-plan expliquant la sensibilité du dossier Omnibus, approfondi ici: phase 2 de la renégociation et prochaines étapes pour la RSE et la finance durable. L’insight central: l’effectivité prime autant que l’existence formelle de la règle.

Calendrier et procédure: ce qu’il faut anticiper dès maintenant

Sur le plan procédural, la dynamique est balisée par la procédure d’urgence du 1er avril, la consolidation attendue en commission JURI, puis un vote en plénière avant le trilogue. Selon les données disponibles, la proposition Omnibus I (COM 2025 80) pourrait être adoptée rapidement, quand Omnibus II (COM 2025 81) s’inscrirait sur 12 à 18 mois. Des ressources utiles suivent les jalons, comme Hellio, Sami et Soulier Avocats.

  • 1er avril: procédure accélérée actée au Parlement (sources: Déplacements Pros).
  • Mi-octobre: position JURI consolidée, ouvrant la voie au vote en plénière.
  • Fin octobre: vote en hémicycle avant trilogue Commission–Conseil–Parlement.
  • Omnibus I/II: trajectoires divergentes d’adoption, détaillées par ANSA.

Pour les directions financières et RSE, l’enjeu est de ne pas relâcher l’organisation interne tant que l’issue n’est pas tranchée, comme le rappelle ce point réglementaire. L’idée-forces: anticiper l’incertitude plutôt que la subir.

Cas d’école: comment une entreprise responsable ajuste son reporting extra-financier

Prenons le cas d’Alpina Verre SAS, un fabricant européen de matériaux pour la construction (3 200 salariés; 950 M€). Si le relèvement des seuils était confirmé, l’entreprise sortirait potentiellement du champ CSRD. Faut-il pour autant réduire l’information publiée? Les investisseurs de long terme sollicitent toujours des indicateurs d’alignement ESG, et les grands donneurs d’ordre demandent de la traçabilité. Des synthèses opérationnelles utiles sont proposées par Héros de l’Ordinaire et des retours terrain chez Exagone Group. Dans la pratique, maintenir un socle volontaire inspiré des ESRS allégés pourrait préserver l’accès au financement et la compétitivité export.

  • Gouvernance d’entreprise: mandater le comité d’audit pour un suivi trimestriel des risques climatiques et sociaux.
  • Double matérialité: actualiser la cartographie en ciblant 8–10 indicateurs clés (émissions, sécurité, éthique fournisseurs).
  • Chaîne d’approvisionnement: clauses contractuelles de vigilance et audits proportionnés chez les partenaires critiques.
  • Transparence: publier un rapport de durabilité volontaire condensé, adossé à des métriques vérifiables.

Au-delà du cas simulé, des ressources de cadrage soulignent la suite des discussions: points-clés Parlement–Conseil, phase 2 de la renégociation et l’éclairage sectoriel sur le désengagement climatique de certaines entreprises. En filigrane, la durabilité demeure un actif stratégique autant qu’un cadre réglementaire.

Cécile Divolic

Cécile Divolic

Passionnée par les enjeux économiques contemporains, je m'efforce de déchiffrer les tendances et d'informer le grand public sur des sujets complexes. Mon expertise et mon expérience me permettent de traiter de manière claire et accessible des thèmes variés, allant de la finance aux politiques économiques.