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Adieu la grande démission : aux États-Unis, le phénomène du ‘travail câlin’ s’impose

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Aux États-Unis, un basculement net s’observe sur le marché du travail: après l’onde de choc de la Great Resignation, le “travail câlin” (job hugging) s’impose comme un comportement dominant. Selon les données disponibles, le taux de démissions a reculé à 1,9% en août 2025, un plancher inédit depuis 2015 hors période pandémique, tandis qu’une majorité d’actifs déclare ne pas projeter de changer d’employeur dans les six prochains mois. Les indicateurs économiques suggèrent que l’incertitude conjoncturelle, l’adoption accélérée de l’IA et des arbitrages budgétaires prudents nourrissent un réflexe de conservation: conserver son poste, parfois au prix de renoncements de carrière temporaires. Dans une analyse approfondie, ce virage prudent ne se traduit pas seulement par une mobilité en berne; il reconfigure aussi les leviers de Rétention des talents, d’Engagement collaborateur et d’Innovation RH côté entreprises.

Ce phénomène s’inscrit dans la continuité des diagnostics posés depuis 2021: si le mythe de la “grande démission” a parfois été nuancé, son ampleur a été réelle, avec des millions de départs volontaires, comme l’ont documenté des analyses consacrées au mystère de ces démissions. Aujourd’hui, le pendule repart dans l’autre sens: “s’accrocher à son emploi” devient une stratégie rationnelle, alimentée par la peur d’un marché qui se durcit, par l’essor des usages d’IA générative dans les fonctions qualifiées et par les réorganisations récurrentes. Pour les DRH, l’enjeu est clair: sécuriser le présent sans hypothéquer l’avenir. Autrement dit, préserver la Qualité de vie au travail, un Management bienveillant et un Leadership empathique, tout en évitant l’immobilisme organisationnel. Car une fois la conjoncture éclaircie, une demande de mobilité “refoulée” pourrait relancer les départs.

Travail câlin aux États-Unis : fin de la grande démission et virage prudent du marché de l’emploi

Les indicateurs récents confirment une inflexion marquée. Le taux de démissions à 1,9% en août 2025 atteste d’un refroidissement de la mobilité volontaire. Selon l’indice d’intentions de mobilité d’Eagle Hill, une large part des salariés ne prévoit pas de bouger à court terme; en parallèle, 65% d’entre eux se disent “coincés” dans leur poste (rapport Glassdoor 2024), un signal d’alerte pour l’Engagement collaborateur. Jennifer Schielke (Summit Group Solutions) résume la logique à l’œuvre: après des licenciements post-pandémie, la stratégie perçue comme la plus sûre consiste à protéger sa place.

  • Facteurs de prudence : tensions géopolitiques, coûts et délais d’ajustement liés à l’IA, risques sectoriels asymétriques, resserrement des conditions financières.
  • Effets immédiats : gel des mobilités externes, montée des arbitrages de court terme, hausse des attentes en Flexibilité professionnelle interne.
  • Risques RH : baisse diffuse de l’initiative, stagnation des compétences si l’upskilling n’est pas systématique, érosion du Bien-être au travail.

Chez les cols blancs, l’arrivée à grande échelle de l’IA pèse lourd: dans l’enquête LHH, 46% des dirigeants disent avoir déjà ajusté leurs effectifs pour intégrer ces outils et 54% envisagent de le faire d’ici cinq ans. Une configuration qui incite à différer un changement d’employeur.

Adieu la grande démission : aux États-Unis, le phénomène du ‘travail câlin’ s’impose

Indicateurs à surveiller : démissions en baisse, engagement en tension

Les séries longues du Bureau of Labor Statistics montrent que la “grande démission” a cédé la place au great stay. Cependant, les signaux faibles de désengagement se multiplient: hausse des intentions de rester par contrainte, faible rotation interne dans certains métiers, intensification des “stay interviews” pour prévenir les départs à venir. Les entreprises qui avaient subi la vague des départs, décrite par les témoignages de terrain au-delà de la tech, pivotent vers des politiques de Rétention des talents plus structurées.

  • Métriques clés : taux de démissions (1,9%), durée moyenne d’ancienneté en hausse, ratio de mobilité interne vs externe.
  • Pratiques préventives : “entretiens de fidélisation” inspirés par les retours d’expérience sur ces entretiens pour capter les irritants.
  • Objectif : soutenir une Culture d’entreprise positive malgré la baisse des mobilités.

De la “Great Resignation” au “travail câlin” : repères et effets pour les employeurs

Entre 2021 et 2022, des dizaines de millions d’Américains ont quitté leur emploi, comme l’ont documenté les enquêtes sur ce que font les Américains après leur départ et les chroniques du phénomène (synthèse encyclopédique). Plusieurs analyses ont interrogé l’ampleur réelle du mouvement et les moteurs profonds de ces choix. En 2025, le mouvement inverse se consolide: le “travail câlin” privilégie la stabilité au risque. Le détour par la tendance du job hugging montre que la prudence des salariés coexiste avec des attentes élevées en matière de Marque employeur et de Qualité de vie au travail.

  • Conséquences RH : arbitrages vers la Flexibilité professionnelle interne, budgets d’upskilling, planification de scénarios IA.
  • Contrats psychologiques : recentrage sur un Management bienveillant et un Leadership empathique pour contenir l’attrition différée.
  • Enjeux stratégiques : préserver l’Innovation RH et l’agilité malgré la baisse des mouvements externes.

La séquence historique récente—de la vague de départs à la consolidation interne—est aussi relue à l’aune d’une réflexion sur la valeur travail. D’où l’essor d’outils pour négocier de meilleures conditions (“grande négociation”) et l’utilisation d’indicateurs de retournement pour anticiper la prochaine phase du cycle.

Étude de cas: NorthBridge Tech face au “great stay”

NorthBridge Tech, éditeur SaaS fictif basé à Denver, illustre l’“étreinte du poste”. Après une phase de croissance fulgurante en 2021-2022, l’entreprise a gelé une partie des recrutements externes en 2024 et misé sur la mobilité interne en 2025. Résultat: l’attrition volontaire a chuté de 2 points, mais des signaux de fatigue sont apparus sur certains métiers. Pour éviter la “sidération”, la DRH a activé plusieurs leviers complémentaires.

  • Mobilité interne pilotée : place de marché des missions, passerelles métiers orientées IA, certifications internes en 8 à 12 semaines.
  • Bien-être au travail : semaine 4/5 modulable, accompagnement psychologique confidentiel, budgets de micro-apprentissage.
  • Culture d’entreprise positive : “stay interviews” trimestriels, formation au Leadership empathique pour managers de proximité.

En pratique, sécuriser la Rétention des talents sans figer l’organisation passe par des cycles courts d’expérimentation: itérer, mesurer, étendre ce qui fonctionne. Ce principe limite le risque d’immobilisme masqué par le “travail câlin”.

Stratégies RH pour accompagner le “travail câlin” sans perdre l’élan

L’objectif n’est pas d’encourager l’immobilité, mais de transformer cette phase en opportunité de montée en compétences et de re-design du travail. Les entreprises qui réussissent combinent investissements ciblés et pratiques managériales renforcées, avec une attention au cadre symbolique—sens, équité, perspectives. Les leçons tirées de la période 2021-2022, largement chroniquées pendant la Grande Démission, restent précieuses pour relier fidélisation et performance.

  • Rendre la mobilité visible : vitrines de projets internes, budgets de formation fléchés, charte de Flexibilité professionnelle publiée.
  • Outiller l’IA : cartographies de tâches, binômes humain–IA, parcours d’upskilling sur 90 jours pour fonctions support.
  • Institutionnaliser l’écoute : “entretiens de fidélisation” inspirés des retours d’expérience (pratique d’entretien de fidélisation), baromètres trimestriels d’Engagement collaborateur.
  • Renforcer la Marque employeur : transparence salariale, dispositifs de Qualité de vie au travail, pacte de Management bienveillant.
  • Négocier le cadre : accords locaux issus de la “grande négociation” pour préserver la Culture d’entreprise positive.

À court terme, le “travail câlin” réduit la volatilité; à moyen terme, il peut préparer un rebond de mobilité si l’apprentissage et la reconnaissance restent tangibles. L’enjeu est d’éviter la “sidération silencieuse” tout en capitalisant sur une période propice au réagencement des compétences.

Risques à anticiper: immobilisme, stagnation salariale, perte d’innovation

Le “great stay” comporte ses angles morts. Sans bouscule externe, des poches d’inefficience peuvent se maintenir, tandis que l’absence de tension de recrutement tend à modérer les ajustements salariaux. Les indicateurs économiques suggèrent aussi que la baisse des mouvements peut freiner la diffusion d’idées nouvelles.

  • Immobilité subie : sentiment d’être “coincé” (65%), fuite d’énergie discrète, montée des irritants opérationnels.
  • Stagnation salariale : négociations au ralenti, écarts internes non résorbés, attention accrue aux signaux d’iniquité.
  • Innovation RH en risque : si la rotation et les missions transverses se raréfient, la créativité s’émousse.

Pour contrebalancer ces risques, certaines organisations s’appuient sur des leçons de la période précédente—quand le job hugging a émergé après la vague initiale, quand les moteurs de la mobilité avaient été fortement revisités, et quand la chronologie de la Grande Démission s’est imposée dans le débat public. Le fil conducteur demeure: transformer la prudence en progrès.

Cécile Divolic

Cécile Divolic

Passionnée par les enjeux économiques contemporains, je m'efforce de déchiffrer les tendances et d'informer le grand public sur des sujets complexes. Mon expertise et mon expérience me permettent de traiter de manière claire et accessible des thèmes variés, allant de la finance aux politiques économiques.